24 Jun Compétence de la CIRDI et Investissements
1. Le Venezuela dénonce la Convention CIRDI.
En 1995 le Venezuela ratifia la Convention sur le Règlement des Différends Relatifs aux Investissements entre États et ressortissants d’autres États (la Convention CIRDI) qui avait établi le Centre International pour le Règlement des Différends Relatifs aux Investissements (CIRDI). Le CIRDI facilite la conciliation et l’arbitrage des conflits financiers entre états qui s’y sont écrits et ressortissants d’autres états contractants. La Convention comprend 157 états contractants. L’Équateur dénonça la Convention en 2009, tout comme la Bolivie l’avait fait en 2007.
Le 24 janvier 2012, le Venezuela pour sa part dénonça la Convention CIRDI. Selon l’Article 71 de la Convention, cette retraite prendra effet six mois après la date de la notification donnée auprès du dépositaire, ce qui signifie qu’à partir du 25 juillet 2012 le Venezuela ne fera plus partie de la Convention CIRDI. Tout arbitrage déjà commencé auprès du CIRDI pourra poursuivre son cours comme prévu, mais, selon l’Article 25 de la Convention CIRDI, le Venezuela, une fois sorti de la Convention CIRDI, abandonne son caractère d’état contractant, ce qui entraine une situation où, selon l’interprétation qui prévaut (mais sans être jamais appliquée) de la Convention CIRDI, celle-ci ne jouira plus de compétence sur le pays.
2. La compétence CIRDI et les TBI vénézuéliens.
Le Venezuela signa 27 traités bilatéraux différents pour la protection des investissements (les TBI), dont 25 se trouvent encore en vigueur. Le Venezuela dénonça le TBI néerlandais le 30 avril 2008, mais cet accord continuera en vigueur pendant 15 ans après la date de sa terminaison. Le TBI entre le Venezuela et le Brésil ne fut jamais ratifié par le Brésil. Parmi les 27 TBI signés par le Venezuela, il existe six variétés différentes de provision pour l’arbitrage. Six de ces TBI stipulent la compétence exclusive du CIRDI au cas d’un arbitrage. Quatre TBI prévoient en tant qu’option alternative à la CIRDI un arbitrage ad hoc selon les Règles pour l’Arbitrage de la CNUDCI. Douze des TBI prévoient la compétence du Centre CIRDI et des Facilités Additionnelles CIRDI ou du Règlement pour l’Arbitrage de la CNUDCI en tant que soutien supplémentaire. Le TBI avec la Russie fait appel au Centre pour l’Arbitrage de Stockholm et aux Règles pour l’Arbitrage de la CNUDCI, sans le CIRDI. Le TBI avec l’Iran permet les Règles pour l’Arbitrage de la CNUDCI, de la CCI ou du CIRDI. Celui avec le Cuba prévoit l’arbitrage sous le Règlement pour l’Arbitrage de la CNUDCI, tandis que les deux derniers TBI acceptent en tant qu’alternative au Règlement pour l’Arbitrage de la CNUDCI n’importe quel autre tribunal d’arbitrage ad hoc qui a été préalablement accepté. Ce qui signifie que la Convention CIRDI se trouvait au cœur des TBI vénézuéliens jusqu’au présent et que la sortie de Venezuela de la CIRDI ne sera pas sans difficultés pour l’investisseur.
3. Les Variétés Spécifiques de TBI.
D’abord, il y a les TBI avec l’Holland, le Chile, le Barbade, le Danemark, la France et l’Allemagne. Ceux-ci ne prévoient que la convention CIRDI au cas d’un arbitrage et représentent donc pour l’investisseur une situation très délicate. De ces six accords, cinq (ce qui exclue l’accord avec la France) stipulent que, autant que le Venezuela n’adopte pas la Convention CIRDI, le TBI reste toujours sujet aux Facilités Additionnelles CIRDI (voir par exemple la clause no. 8.2 du TBI entre le Venezuela et le Barbade). Quelques-uns parmi les TBI se signèrent avant que le Venezuela ait adopté la Convention CIRDI. Donc, est-ce qu’on fait maintenant appel à la juridiction alternative (les Facilités Additionnelles CIRDI) suite à la dénonciation par le Venezuela de la Convention CIRDI ? La situation la plus fragile reste celle du TBI entre le Venezuela et la France qui ne prévoit aucun recours que la CIRDI pour un arbitrage.
Après, il y a encore les TBI avec l’Argentine, l’Équateur, le Portugal, la République Tchèque, la Lituanie, le Royaume Uni, le Pérou, le Brésil, l’Espagne, le Canada, le Costa Rica et l’Uruguay (deuxième groupe). Les TBI avec tous ces pays font appel à l’arbitrage CIRDI, ou bien aux Facilités Additionnelles CIRDI ou à un arbitrage ad hoc selon le Règlement pour l’Arbitrage de la CNUDCI. Pour que le Secrétaire approuve l’accès aux Facilités Additionnelles CIRDI selon l’article 4.2 des Règlements, les deux parties doivent fournir un « consentement par écrit pour être présenté au Centre ». Est-ce que le consentement de l’État Contractuel se base déjà sur le TBI ? En ce cas-ci, on n’a besoin que du consentement de l’investisseur. En tant que supplément aux mécanismes CIRDI, ces TBI prévoient aussi l’arbitrage selon le Règlement pour l’Arbitrage de la CNUDCI, qui permettent que le Secrétaire Général de la Cour Permanente d’Arbitrage à La Haye devienne l’autorité chargé de la nomination des arbitres.
Les TBI du Venezuela avec le Vietnam et le Belarus permettent un arbitrage ad hoc sous le Règlement pour l’Arbitrage de la CNUDCI ou n’importe quel autre tribunal ad hoc d’arbitrage préalablement approuvé.
Le TBI entre le Venezuela et le Cuba accepte l’arbitrage sous le Règlement pour l’Arbitrage de la CNUDCI. Si autant le Venezuela comme le Cuba se caractérise à l’avenir comme État Contractuel de la Convention CIRDI, un arbitrage quelconque aura lieu au Centre CIRDI ou sous le Règlement pour l’Arbitrage de la CNUDCI, mais, comme le Cuba n’est pas un État Contractuel et le Venezuela abandonna la Convention CIRDI, ceci n’est pas en ce moment le cas.
4. D’autres Possibilités.
a) La Notification d’avoir accepté la Compétence de la CIRDI.
Selon une possible interprétation des Articles 71 et 72 de la Convention CIRDI, l’on peut accéder sans opposition aux avantages de la Convention CIRDI par moyen d’initier un procédure d’arbitrage, ce qui se considère d’avoir été fait si l’on adresse par écrit une requête à cet effet au Secrétaire Général (Article 36 de la Convention CIRDI). Evidemment, une dispute doit exister au moment de faire cette requête.
Un autre possible moyen d’accéder sans opposition aux avantages de la Convention ICIRDI sera, selon une interprétation de l’Article 72 de la Convention CIRDI, la notification de consentement de la part de l’investisseur, même si aucune dispute n’existe à ce moment donné. Cette notification de la part de l’investisseur au CIRDI et la République devrait exprimer une volonté de présenter au CIRDI toute dispute future qui puisse survenir quant à leurs investissements. Une fois envoyée, cette notification entre aussitôt en vigueur. Cette possible solution ne compte pas encore sur une opinion de la part du CIRDI, mais on pourrait alléguer que, grâce à cette notification préalable, la proposition d’utiliser le CIRDI fut acceptée par la République pendant que celle-ci était toujours l’un des États Contractuels de la Convention CIRDI.
Mais, on peut en même temps interpréter l’Article 72 de la Convention dans l’autre sens, c’est à dire que, si l’investisseur n’avait pas accepté l’arbitrage du CIRDI avant que le Venezuela avait abandonné la Convention CIRDI, le CIRDI alors ne jouit plus de compétence sur l’arbitrage . De cette manière, un investisseur qui n’accepta pas avant le 24 janvier 2012 la proposition de Venezuela de s’engager dans un arbitrage auprès du CIRDI n’a plus le droit de présenter sa dispute auprès du Centre.
b) La Migration
Une autre possibilité serait d’emmener l’investissement à une juridiction où la disposition du TBI qui concerne l’arbitrage dispose d’une compétence supplémentaire. Ceci implique une possible migration à n’importe quel TBI du deuxième groupe ci-dessus, y compris, inter alia, le Portugal. Le Madère (Portugal) peut représenter pour l’investisseur européen une compétence assez séduisante. On ne doit pas oublier, cependant, que cette migration entraine quelques complications additionnelles en ce qui concerne les impôts, la société, les contrats, entre autres.
5. La Convention de Vienne.
En ce qui concerne l’interprétation de la validité des dispositions pour l’arbitrage dans les TBI, il ne faut pas oublier que la plus grande partie de ces dispositions furent élaborées après que le Venezuela s’était associé à la Convention CIRDI et que le but de ces dispositions fut de régler les investissements entre les états et les investisseurs. Les TBI pourraient jouir d’une situation préférentielle parce qu’ils sont plus récents et s’appliquent plus étroitement au règlement des disputes entre le Venezuela et un investisseur étranger. On peut ajouter comme appui quelques dispositions qui se trouvent dans la Convention de Vienne sur la Loi des Conventions (1969. La « Convention de Vienne »), y compris l’Article 267 (pacta sunt servanda), l’Article 30 sur l’applicabilité des conventions successives sur la même matière, l’Article 31 sur les règlements généraux d l’interprétation, et l’Article 42 sur la vigueur continue des conventions. Même si le Venezuela n’est pas signataire de la Convention de Vienne, on peut faire appel à l’Article 38 du Statut de la Cour Internationale de Justice en ce qui concerne les usages internationaux et les principes généraux de la loi reconnus par les nations civilisées.
Il se trouve donc que la plus grande partie des TBI auxquels le Venezuela s’est engagé disposent que chacune des deux parties peut mettre fin au TBI moyennant une notification à l’autre. Les investissements, cependant, qui sont faits avant qu’un TBI soit terminé retiennent leur droit à la protection sous le TBI pendant une période de 10 à 15 ans (par exemple, le TBI Venezuela-France, Art. 15). Pour une protection efficace, un TBI a besoin d’une disposition sur le règlement des disputes que les deux parties trouvent acceptable; sans une telle disposition, le TBI ne sert à rien. En ce cas, la dénonciation unilatérale de la Convention CIRDI peut-elle mettre fin de facto au TBI ? Il paraît qu’une telle interprétation, tordue et compliquée, de la relation Convention CIRDI/TBI révèle que le fait d’abandonner la CIRDI ne laisse du TBI qu’un geste vide de sens.
6. La Justification de l’abandon.
Le 25 janvier 2012, le Ministère Vénézuélien pour la Communication et l’Information informa la presse de la dénonciation de la Convention CIRDI avec un autre communiqué émis par le Ministère pour Affaires Etrangères sur ce même sujet. Les deux documents déclarent que la dénonciation fut imposée par la Constitution de Venezuela amendée en 1999 (voir le site web : http://minci.gob.ve/noticias/1/211060/gobierno_venezolano_denuncia.html), plus exactement par l’Article 151 sur les contrats d’intérêt publique qui doivent contenir une disposition qui soumet toute dispute aux cours vénézuéliennes et oblige l’application de la loi vénézuélienne en excluant toute réclamation étrangère. Le communiqué fait référence aussi à la souveraineté vénézuélienne, face à laquelle l’intervention du CIRDI se considère comme menace.
Il ne faut pas oublier que l’Article 151 de la Constitution établit que cette limitation de compétence s’applique seulement quand elle ne s’oppose pas au caractère du contrat, des accords et des conventions internationales pour régler les disputes sur les investissements étrangers. La Constitution antérieure, d’ailleurs, nous montre une disposition similaire (l’Article 127 de la Constitution de 1961) ; l’Article 22 de la Loi sur la Promotion et la Protection des Investissements de 1999, mise en vigueur par un Décret Présidentiel, admet la possibilité d’un arbitrage par le CIRDI; plusieurs conventions, dont quelques accords signés par le gouvernement actuel, choisirent l’arbitrage CIRDI et furent ratifiées par l’Assemblée Nationale suite à la mise en vigueur de la Constitution de 1999 ; le propos « inconstitutionnel » affectera tous les engagements pour l’arbitrage étranger et non seulement ceux du CIRDI.
7. Les conséquences prévisibles.
Il est possible que le gouvernement vénézuélien peut s’opposer à n’importe quel résultât d’une arbitration auprès du CIRDI en affirmant que la Constitution n’accepte pas cette compétence.
L’abandon de la CIRDI par le Venezuela met en cause les dispositions TBI sur un arbitrage du CIRDI. Les multiples interprétations possibles et les manœuvres que peuvent adopter les États contractuels et les investisseurs face à cette situation comprennent : un effort pour s’assurer des bénéfices de la Convention CIRDI avant que l’abandon se mette en vigueur, la négociation des conditions du TBI ou la migration de l’investissement.
Le 24 février 2012 (Version française F.A.R)